Il y a une grosse dizaine d’années, j’achetais un exemplaire du rarissime Mitsubishi DP-101 complet et en excellent état extérieur... mais en panne.
À deux reprises, j’avais tenté de le réparer, mais ne possédant pas le manuel de service j’avais fini par jeter l’éponge. Il faut dire que le lecteur en question est un modèle de présérie (sans numéro de série) comportant de nombreuses modifications sur l’ensemble des cartes (voici une illustration avec une des cartes côté soudures), ce qui avait contribué à me démotiver.
Il y a un peu plus de deux ans, j’ai réussi à acquérir un deuxième DP-101 fonctionnel malgré quelques petites anomalies. J’avais publié des photos du déballage et de la mise en service de l’appareil en page 52 de cette rubrique.
Le but était le suivant : tenter de dépanner le premier exemplaire à l’aide de ce nouveau venu. Puisque je me suis attelé à la tâche très récemment, je propose sur cette page un compte rendu de ce sauvetage délicat. En effet, ce genre d’intervention consistant à réparer un matériel en panne en s’aidant d’un matériel identique mais fonctionnel présente le risque de provoquer une panne sur ce dernier.
➔ Le premier lecteur (en panne) est un modèle européen (Allemagne) en 220V fabriqué en 1982 (lecteur EUR dans la suite de cet article)
Symptômes : le lecteur s’allume mais le bloc optique ne revient pas en position initiale. Le disque tourne à l’envers puis est éjecté. Le laser ne s’allume pas et la lentille est plaquée en position basse dès la mise sous tension. L’afficheur est fonctionnel.
➔ Le deuxième lecteur (fonctionnel) est un modèle en provenance des USA en 110V fabriqué en juillet 1983 (lecteur US dans la suite de cet article)
Symptômes : accès long lors d’un changement de piste manuel, et rétroéclairage de l’afficheur très faible.
Après examen, l’ensemble des modifications apportées manuellement sur le lecteur EUR semble avoir été reporté en série sur le modèle US.
Le point positif concernant le DP-101 est le mode d’implantation des cartes enfichées verticalement les unes à côté des autres sur la carte mère de fond de panier. Ce positionnement bien pratique en cas de test croisé m’a permis de gagner un temps considérable pendant ce dépannage.
Ensemble électronique composé d’une carte de fond de panier et de 7 cartes verticales
Les cartes sont numérotées de 1 à 7 en partant de l’avant de l’appareil :
- Carte 1 : carte CPU afficheur
- Carte 2 : carte CPU système
- Carte 3 : carte Servo 1
- Carte 4 : carte Servo 2
- Carte 5 : carte PLL
- Carte 6 : carte Digital
- Carte 7 : carte audio
Le tableau ci-dessous montre les différentes cartes du lecteur EUR excepté la carte de fond de panier provenant du lecteur US. Notez le code date (1982) des circuits intégrés (1983 pour l’autre lecteur), et le convertisseur N/A "INTECH" remplacé par un Burr-Brown sur le lecteur US.
La carte Audio du lecteur US, avec le convertisseur N/A Burr-Brown :
Dans un premier temps, j’ai vérifié l’ensemble des alimentations du lecteur en panne. J’ai ensuite retiré les 7 cartes, repris les soudures sur les cartes "Servo 1" et "Servo 2" (simple face) et remplacé les condensateurs chimiques sur la carte "Servo 1". Après le repositionnement des 7 cartes, le bloc optique revenait en position initiale à la mise sous tension. Pour le reste, rien de changé.
J’ai ouvert le deuxième lecteur (US) et prélevé sa carte "Servo 1" fonctionnelle comportant entre autres les circuits de commande de focus et tracking fin. Cette action a permis d’éliminer la problème de blocage de la lentille en position basse et celui du sens de rotation du disque inversé sur le lecteur EUR. La photo ci-dessous montre que le blocage en position basse a entraîné un échauffement qui a marqué le cache supérieur du bloc optique.
Il restait à chercher la panne sur la carte "Servo 1" du lecteur EUR et à résoudre le problème d’absence de laser, qui pouvait avoir plusieurs origines :
- bloc optique HS
- circuit APC d’allumage et de commande du courant Laser défectueux
- défaut mécanique : un système déjà rencontré sur d’autres lecteurs équipés du bloc optique TAOHS-L permet d’éviter une exposition avec le faisceau laser tant que la trappe n’est pas fermée grâce à une languette métallique qui ne libère le chemin optique qu’en fin de chargement du disque (cette photo montre le levier agissant directement sur l’obturateur).
En plus de ces observations effectuées après un démontage complet de la mécanique, j’ai constaté que ce DP-101 de présérie était équipé d’un bloc optique TAOHS-L de rang B, portant une diode laser spécifique intégrant une photodiode (PIN) "monitor" à sensibilité élevée nécessitant une adaptation de la carte APC en cas de remplacement de l’optique complet.
Après un nettoyage complet des parties mécaniques et un contrôle rapide (avec remplacement des condensateurs chimiques) de la carte Pré-amp HF et de la carte APC fixées sur le bloc mécanique défectueux, j’ai remonté le tout m’assurant du bon fonctionnement de l’obturateur du laser. La panne étant toujours présente malgré la commande d’allumage laser opérationnelle, j’ai mis de côté le bloc mécanique décidant de me concentrer sur la carte "Servo 1" en panne.
En effectuant un suivi de piste sur le circuit imprimé de cette carte "Servo 1", j’ai localisé la section de commutation de boucle du circuit de recherche de focalisation. Afin de ne pas y passer trop de temps, j’ai remplacé deux AOP (TL082) et deux circuits logiques (TC4053). Ensuite, j’ai remonté la carte mais cette fois dans le lecteur fonctionnel (US). Voici le comportement global du lecteur après ce changement de composant :
La recherche de focalisation était active (un point de réglé) mais le débattement vertical était maximum dans les deux directions, avec un bruit de choc en butée haute. L’action sur les ajustables pour les réglages d’offset et de gain de focus n’avait aucun effet.
J’ai décidé de remplacer les deux transistors drivers de l’étage de focus (2SB524 et 2SD361 qui ne présentaient pas de panne franche au multimètre numérique) en les prélevant sur la carte "Servo 1" fonctionnelle du lecteur US, n’ayant pas ces transistors dans mon stock. Le changement de ces 2 transistors a immédiatement solutionné le défaut de pompage excessif de la lentille et après un rapide et approximatif alignement électrique de la carte, la lecture du disque s’est lancée ! La carte "Servo 1" du lecteur EUR était donc réparée (mais la "Servo 1" du lecteur US cannibalisée).
Restait donc à me pencher sur l’absence d’allumage laser du lecteur EUR. J’ai volontairement choisi de ne pas tester la mécanique non fonctionnelle du lecteur EUR avec la carte APC du lecteur fonctionnel US afin de limiter au maximum les tests croisés entre les deux appareils, test croisés qui deviennent risqués dès qu’on tourne autour du laser et de ses circuits de pilotage. En revanche, j’ai monté cette mécanique défectueuse du lecteur EUR sur le lecteur US pour la suite de la recherche de panne.
➔ La configuration du moment était donc celle-ci :
Lecteur US (initialement fonctionnel) équipé de la carte "Servo 1" réparée du lecteur EUR et de la mécanique non fonctionnelle du lecteur EUR.
Bien décidé à tout tenter avant d’envisager la pose d’un bloc optique neuf, je me suis un peu acharné à chercher un défaut sur la carte APC fixée sur la mécanique défectueuse. Bien m’en a pris, car j’ai trouvé une jonction coupée (base / émetteur) sur un des deux transistors situés dans la boucle de régulation du courant laser (Q903, 2SB524). La joie fut de courte durée, car son remplacement (par un équivalent cette fois) n’a rien changé au problème : le laser refusait toujours obstinément de s’allumer.
Ce dernier composant en défaut sur la boucle de régulation du courant laser a achevé de me convaincre que le moment était venu de poser un bloc optique neuf. Je me suis donc lancé dans un nouveau démontage complet afin d’extraire le bloc optique. Évidemment, un repérage attentif est indispensable pour ce genre de manipulation, la mécanique étant bien garnie.
J’ai profité du démontage pour retirer L’obturateur et son mécanisme, ce dispositif étant à mon avis totalement inutile.
Les blocs optiques neufs dont je dispose sont des TAOHS-L de rang C et de type OPH35. Le boîtier étant légèrement plus volumineux que le bloc optique d’origine j’ai dû démonter partiellement le nouvel optique afin de pouvoir l’introduire dans son berceau métallique, en ôtant la mini carte de connexion diode laser / actuateurs / diode PIN, et en la refixant une fois le bloc positionné.
Ensuite, j’ai remplacé la résistance R904 (22KΩ) sur la carte APC par une résistance de valeur plus faible (10KΩ) afin d’adapter le circuit de détection à la diode PIN montée sur le nouveau bloc optique. La première photo ci-dessous montre la platine APC avec le transistor Q903 remplacé par un équivalent et le nouveau trimmer pour le réglage du courant laser. La deuxième photo montre le forçage du détecteur optique de présence disque pour permettre la mesure de la puissance laser trappe fermée et sans disque chargé.
Après remontage de l’ensemble, ajustement de la puissance laser à 0,25mW et un nouvel alignement de la carte "Servo 1", le lecteur fonctionnait normalement. L’absence de Laser provenait donc d’une double panne : un transistor HS (2SD524) sur carte APC et le bloc optique HS.
Puisque les défauts d’ordre optique et électronique étaient apparemment résolus, il me restait à remonter la mécanique et la carte "Servo 1" ainsi réparées dans le lecteur EUR qui devait dorénavant fonctionner. Cependant, j’ai choisi de continuer sur le lecteur US en allant voir de plus près le défaut de rétroéclairage qui se traduisait par une luminosité faible induisant un affichage de couleur jaune fade à la place du joli bleu d’origine.
Cet afficheur LCD, totalement novateur à l’époque, n’avait apparemment pas vocation à être démonté. Il m’a fallu casser les deux extrémités du boîtier jauni faisant office de réceptacle pour le rétroéclairage afin d’accéder aux tubes fluorescents après les avoir dessoudés de la carte de pilotage de l’afficheur. Le simple fait d’ôter les soudures passablement cuites des deux tubes m’a donné une indication sur l’état de ces éléments puisque les pattes se sont immédiatement cassées sur un des deux tubes qui est tombé au fond du boîtier. Les photos montrent ces pattes de fixation couvertes de vers de gris. Plus question de faire machine arrière, puisque sans rétroéclairage, ce type d’écran transmissif reste totalement illisible. À ce stade, le lecteur était devenu inutilisable...
D’origine, cet afficheur LCD (d’un poids de 680g !) est équipé de deux tubes fluorescents (type lampes à vapeur de sodium) alimentés via un autotransformateur caché derrière l’épais blindage du module. La tension d’allumage de l’ordre de 590V explique la présence de la petite étiquette d’avertissement "haute tension" située sur le boîtier.
Ce genre de tube fluorescent étant devenu introuvable, deux possibilités s’offraient à moi pour adapter un nouveau système de rétroéclairage :
- monter un système à Leds
- monter un système à CCFL avec inverter
J’ai rapidement abandonné la première solution car un rétroéclairage à Leds efficace fournissant un éclairage diffus aurait nécessité l’implantation de Leds sur le pourtour d’une plaque en Plexi. Malheureusement, le boîtier en V situé derrière la dalle LCD et l’absence d’espace autour de la dalle n’offraient pas les 3 ou 4 mm nécessaires au passage d’une telle plaque et des Leds ainsi positionnées.
J’ai donc opté pour un rétroéclairage par CCFL et inverter. Mon choix pour ce dernier s’est porté sur un TDK CXA-L10 idéal pour cette taille d’écran et doté de deux sorties. Disponible en 5V et 12V, j’ai opté pour la version 12V. Le logement blindé destiné accueillir ce convertisseur étant très petit, j’ai écarté l’idée d’utiliser un modèle plus performant (et plus volumineux) avec pilotage PWM qui aurait permis un réglage précis de la luminosité. Afin de conserver la possibilité d’ajuster la luminosité, j’ai préparé une alimentation 12V variable afin de jouer directement sur l’alimentation du convertisseur DC/AC.
Le diaporama suivant montre la préparation du rétroéclairage :
Afin de maximiser l’espace nécessaire à l’implantation de l’alimentation 12V, équipée d’un transormateur 110V / 12V, il m’a fallu remplacer certains condensateurs électrolytiques de la carte alimentation du lecteur par des modèles aux dimensions inférieures.
À suivre, la mise en place de l’inverter et de l’alimentation 12V :
L’ajustable permet de faire varier l’alimentation de 6 à 12V afin de régler la luminosité. Les deux photos suivantes montrent le résultat obtenu :
Le lecteur (US) en fonctionnement embarque tous les éléments qui étaient défecteux sur les deux exemplaires de Mitsubishi DP-101 : la mécanique et la carte "Servo 1" du lecteur EUR, et l’afficheur du lecteur US.
L’étape suivante a consisté à optimiser la restauration des deux appareils avec le remplacement de l’ensemble des condensateurs chimiques, le démontage et le nettoyage de la mécanique du lecteur US, la réparation de la carte "Servo 1" cannibalisée du lecteur US, le remontage des cartes et mécaniques dans leurs lecteurs respectifs, un alignement électrique des deux lecteurs et un bon nettoyage des parties esthétiques.
Les photos suivantes montrent les premiers essais du lecteur EUR après un remontage presque complet. Ce lecteur que je possédais depuis plus de dix ans fonctionne enfin, donc le but est atteint :
Remontage et essais sur plusieurs disques après alignement électrique
Le lecteur EUR face avant remontée
Voici quelques photos de la remise en état du DP-101 US avec un nettoyage minutieux de la mécanique :
Enfin, la remise en état de la carte servo et l’alignement électrique :
Ci-dessous, 4 photos prises avant le remontage des capots :
Pour terminer, les deux lecteurs remontés, ensemble :
En haut, le lecteur EUR, reconnaissable à son rétroéclairage d’origine et à son clavier numérique à touches de couleur bleue
Télécommandes, vis de blocage et notices. La notice en japonais du lecteur EUR de présérie est estampillée Diatone
D’autres photos et détails sur la fiche du Mitsubishi DP-101