Historique du CD

Nés d’une intense collaboration entre plusieurs grands noms de l’industrie électronique - Sony et Philips en tête - et de l’industrie musicale, les lecteurs CD sont arrivés sur le marché japonais le 1er octobre 1982, et à partir du 23 février 1983 dans le reste du monde. Afin de situer plus aisément l’apparition de ce format en France, on se rappellera que le mois de mars 1983 voyait le lancement de la PEUGEOT 205. Ce parallèle peut sembler anodin, mais il montre bien que le stockage de données sur disque optique et leur lecture par Laser sont des technologies fort récentes. Pourtant les 35 années passées auront vu l’avènement du CD à encodage audio PCM, son apogée et sa disparition programmée, laissant place progressivement aux disques durs et mémoires statiques, pour le stockage de données audio souvent compressées (avec ou sans pertes, MP3, Flac, etc.).
Plus de 250 modèles de lecteurs CD, toutes marques confondues, furent produits durant les deux années qui suivirent le lancement du standard CD, c’est-à-dire entre fin 1982 et début 1985. Il s’agit essentiellement des lecteurs de première génération - première et deuxième série - et de lecteurs de deuxième génération, les machines de première génération deuxième série étant apparues dès le premier trimestre de 1983 au Japon, avec le Lo-D DAD-800. Aux premières machines disponibles au Japon, SONY CDP-101, HITACHI DA1000, MARANTZ CD63, s’ajoutèrent rapidement d’autres appareils légendaires, tels que les TECHNICS SL-P10, SHARP DX-3 ou encore le PIONEER P-D1. Concernant ces tout premiers lecteurs commercialisés, c’est-à-dire les machines apparues entre fin 1982 et début 1983, on distingue 3 catégories : les originaux, les semi-originaux et les clones (ou clones partiels).

Les originaux (SONY CDP-101, Philips CD100, Technics SL-P10, Hitachi DA-1000), sont des lecteurs au design et à la technique nouveaux, arborant une esthétique originale, et adoptant une configuration mécanique / électronique inédite, ainsi qu’une organisation interne spécifique des différents circuits imprimés.

Les semi-originaux sont des lecteurs à l’esthétique totalement inédite mais utilisant des technologies mécanique / optique et / ou électronique (traitement numérique et conversion N/A) empruntées aux lecteurs (aux marques donc) de la première catégorie. Parmi ces "semi-originaux", on peut citer les Toshiba XR-Z90, Yamaha CD-1, Aiwa DX-1000, Mitsubishi DP-101, Kyocera DA-01, Sanyo DAD-8, NEC CD803, Pioneer P-D1, Sharp DX-3 et quelques autres.

Les clones représentent un grand nombre de lecteurs en provenance de grandes marques telles que JVC, Akai, Luxman, Denon, Grundig, Kenwood entre autres. En effet, beaucoup de constructeurs ont fait le choix pour des raisons économiques, de reprendre un modèle déjà existant pour le premier modèle à leur catalogue. Ils n’ont exprimé leur créativité qu’à partir de la deuxième série de lecteurs de première génération, lorsqu’ils n’ont pas à nouveau adapté (adopté) un modèle existant. Ces copies ont rencontré plus ou moins de succès et ont fait preuve de plus ou moins d’originalité, chaque marque apportant ses propres modifications esthétiques et parfois pratiques. Ainsi, toutes les copies du très cloné Lo-D DAD-800 (appellation japonaise du Hitachi DA800) disposaient d’une télécommande infra-rouge de série, alors que l’original ne proposait qu’une télécommande filaire optionnelle.
En 1985, le prestigieux constructeur Américain McIntosh présentait une luxueuse copie du Philips CD304, pour son premier lecteur MCD7000. Seul un œil exercé pouvait reconnaître le masquage, par ailleurs fort judicieux, puisque cette imitation nécessitait un débours supplémentaire de plus de 20 000 FF ( !), par rapport à l’original de la marque hollandaise.
Jusqu’en 1985, début de la grande uniformisation des lecteurs CD (noirs, chargement par tiroir horizontal, largeur standard..), les marques les plus clonées furent Hitachi, Toshiba, Sanyo, Kyocera et Yamaha.
Malgré les nombreux clones, le consommateur disposait d’un large choix esthétique (à défaut d’un large choix technique). Les constructeurs proposaient pêle-mêle, des lecteurs à chargement du disque frontal, horizontal par tiroir, ou encore par trappe sur la partie supérieure (Philips). Leurs proportions physiques allaient du "petit cube" au format salon standard, et leur poids variait de 4 à plus de 14 kg.
Néanmoins, les lecteurs CD produits entre 1982 et 1985 embarquaient une variété de mécaniques de lecture hautement sophistiquées et abouties, traduisant la volonté de leurs concepteurs originaux de fabriquer des machines performantes et fiables. Ce louable engagement, garanti par l’utilisation fréquente de composants et matériaux de qualité (mécanique, châssis, électronique), ne dura que quelques années et le métal fit rapidement place aux matières plastiques pour les pièces en mouvement (y compris le bloc optique) pour des raisons évidentes de coût de production. Cependant, la baisse sensible de la qualité de fabrication des lecteurs grand public fut largement compensée techniquement par les performances accrues des servo-systèmes (électroniques d’asservissement des éléments mécaniques), en autorisant des assemblages moins "ajustés".

Les technologies employées par le système "Compact Disc" résultent de l’évolution naturelle des connaissances techniques accumulées par l’homme depuis plus de 150 ans. Cependant, il est possible de cibler le début réel des travaux engagés dans la voie de l’Audio dite "numérique", au début des années 1970 avec les travaux de recherche en électronique et sur les Servo-systèmes concernant le Vidéodisque entamés par Philips en 1973.

Note : Rappelons que le vidéodisque était un disque de 30cm de diamètre qui pouvait stocker plus de 60 minutes de vidéo et audio par modulation FM analogique. Une sorte de DVD plus lourd, plus large et moins fiable. En 1975, le lancement du Vidéodisque Philips - le VLP (Video Long PLay) - fut un réel succès technologique mais un formidable échec commercial puisque les consommateurs ne manifestèrent aucune forme d’intérêt à cette occasion.
Techniquement, la machine embarquait un Laser à gaz Hélium / Néon de longueur d’onde 630nm, fabriqué par Philips. Le projet évolua vers l’ALP (Audio Long Play) identique au VLP mais adapté au stockage de données audio en plus de la vidéo.
Malheureusement, le principe de gravure analogique du signal engendrait de trop fortes perturbations du signal. Ainsi, au bout deux ans, Philips jeta l’éponge et retira le VLP du marché, et décision fut prise de recourir au codage numérique.

Pendant cette période, quelques ingénieurs du département audio de Philips furent nommés pour développer un disque audio basé sur la technologie du vidéodisque optique.
Ils continuèrent à explorer un système analogique utilisant la modulation de fréquence à large bande, comme en radio FM. Leurs diverses expériences montrèrent que la solution d’un enregistrement analogique sur disque ne réglait pas les problèmes de salissures et poussières rencontrés sur les disques 33T classiques.
Trois ans plus tard, ils décidèrent de s’orienter vers une application numérique. Ainsi, en 1976, Philips présentait son premier prototype de disque audio-numérique utilisant la technologie du vidéodisque à lecture par laser (un an plus tard, Sony terminait un prototype de 30cm de diamètre, et d’une durée de lecture de 60 minutes).
En 1977, Mitsubishi et Hitachi présentèrent leur prototype de DAD (Digital Audio Disc) à l’occasion de l"Audio Fair" au Japon. Nous verrons plus loin que plusieurs constructeurs s’étaient engagés dans la course à l’Audio numérique. La même année, l’appellation "Compact Disc" fut suggérée pour le système, après que les propositions "Mini Disc", "Mini Rack" ou encore "Compact Rack" furent abandonnées.
En octobre 1979, la décision historique fut prise de regrouper les talents existants afin de développer un standard mondial pour le disque audio.
Bien que Philips et Sony étaient en compétition permanente, ils coopéraient depuis longtemps dans plusieurs domaines comme le développement de la cassette compacte au début des années 60.
Un point important était que les deux marques occupaient une place de premier plan au sein de l’industrie musicale par le biais de CBS / Sony et Polygram.
Quelques semaines suffirent à former une équipe de travail et entre 1979 et 1980 un grand nombre de rencontres eurent lieu entre Tokyo et Eindhoven. La première en août 1979 à Eindhoven, et la deuxième en octobre 1979 à Tokyo furent mises à profit par les ingénieurs des deux groupes pour faire connaissance et découvrir les forces et spécialités de chacun. Les deux firmes avaient présenté un prototype et décision fut prise de prendre le meilleur de chacun.
Au cours d’une troisième rencontre en décembre 1979, les deux parties dressèrent une liste des caractéristiques qu’ils envisageaient pour le futur disque audio-numérique. Il s’avéra que le seul critère commun aux deux listes (Philips et Sony) était la durée maximum de lecture possible, soit 60 minutes.
Il restait donc à trouver un accord pour la fréquence d’échantillonnage, la quantification, le diamètre du disque, ainsi que pour le code de correction d’erreurs et le mode d’organisation et d’inscription des données sur le disque (le "channel code").
En 1978, tous les équipements audio numériques existant utilisaient leur propre fréquence d’échantillonnage allant de 32 kHz à 50 kHz. Si les équipements audio numériques actuels acceptent plusieurs fréquences d’échantillonnage, la décision fut prise pour le CD de n’en choisir qu’une, celle de 44,1 kHz. Cette fréquence fut adoptée pour différentes raisons :
Tout d’abord, le théorème de Shannon-Nyquist stipule que le signal audio initial devrait être échantillonné à une fréquence d’au moins deux fois celle de sa bande passante. Donc une fréquence d’au moins 40 kHz serait requise pour une bande passante de 20 kHz, 20 kHz correspondant à la fréquence maximum moyenne perçue par un individu d’âge jeune. Ensuite, à la fin des années 70, plusieurs convertisseurs PCM furent conçus au Japon, lesquels utilisaient des enregistreurs analogiques à bande classique pour le stockage des données numériques, ceux-là étant alors les seuls enregistreurs sur le marché disposant d’une bande passante suffisante pour le stockage de ces données. Le format le plus usité était alors le U-Matic 3/4". L’existence de ces adaptateurs PCM destinés à la vidéo explique le choix de la fréquence d’échantillonnage du CD, puisque le nombre de lignes, la fréquence trame et le nombre de bits par ligne dictaient la fréquence possible pour le disque audio-numérique.
Ainsi, les fréquences d’échantillonnage de 44,1 et 44,056 kHz étaient le résultat direct de la nécessité de compatibilité avec les standards vidéos NTSC et PAL. Et puisqu’il n’y avait pas à l’époque d’autres enregistreurs fiables sur le marché offrant d’autres options de fréquences d’échantillonnage, les partenaires Sony et Philips n’eurent d’autre possibilité que de choisir entre 44,1 et 44,056 kHz.

Note : les adaptateurs PCM disponibles furent dans l’ordre d’apparition les SONY PCM-1600, PCM-1610 et PCM-1630. Jusqu’aux années 90, seules les cassettes vidéos pouvaient être utilisées comme moyen de transfert des studios d’enregistrement vers les laboratoires de Mastering. Plus tard d’autres systèmes s’y substituèrent, tels que les CD’Rs et les Memory sticks.

Pour finir, la qualité audio du CD serait donc celle du convertisseur Sony PCM-1600, puisqu’il n’y avait aucun autre choix logistique.

(Dans le processus d’enregistrement, la vie d’un CD audio commençait sur une bande Master PCM, enregistrée sur une cassette vidéo U-Matic sur laquelle les données analogiques étaient converties en données numériques superposées à un signal de télévision standard, et ce jusqu’à la fin des années 80)

Au cours de la quatrième rencontre à Tokyo en mars 1980, Philips accepta (suivant ainsi la première proposition de Sony) une résolution de 16 Bits et une fréquence d’échantillonnage de 44,1 kHz (qui fut préférée car plus facile à mémoriser !).
Philips abandonna provisoirement son souhait d’utiliser une résolution de 14 bits (la marque n’avait au départ aucune raison technique rationnelle autre que son convertisseur Numérique / Analogique 14 bits déjà existant), avant de se raviser réalisant qu’il était possible de supprimer, à débit constant, 1 Bit par mot à chaque doublement de la fréquence d’échantillonnage. Par suite logique, la suppression de 2 bits pour passer de 16 à 14 nécessitait de quadrupler la fréquence du système de conversion Numérique / Analogique menant à une fréquence de 176,4 kHz. Ce "sur-échantillonnage", grâce à l’ajout d’un filtre numérique (SAA7030 sur les premiers lecteurs de la marque), permettait d’élaborer en sortie un filtrage analogique à pente douce améliorant la linéarité autour des fréquences audio les plus élevées. Accessoirement, cette solution permit à Philips d’utiliser son stock existant de convertisseurs 14 bits.

Prototypes
Prototype Sony "Goronta", en 1981
Prototype du lecteur CD Philips, 1979
Premier lecteur CD Philips (non commercialisé)

Un autre critère qui fit débat était le diamètre du disque et donc sa durée, sachant qu’une augmentation de 5% du diamètre autorisait 10% de temps de lecture supplémentaire. Puisque ces deux paramètres étaient les deux plus "visibles" pour le consommateur, un minimum de réflexion s’imposait.
Philips proposait un diamètre de 115 mm autorisant une durée de 60 minutes ; ce choix de diamètre par Philips n’était pas un hasard. En effet, si la dimension diagonale d’une cassette compacte (115 mm) avait au départ généré ce choix, Polygram - faisant partie du groupe Philips - avait rapidement engagé d’importants moyens financiers pour la fabrication d’une unité de production de Compact Disc à Hanovre en Allemagne. Cette unité de production était déjà opérationnelle et Sony qui ne disposait nullement d’un tel atout devait refuser ce diamètre de 115 mm s’il ne voulait pas voir Philips prendre un net avantage sur le marché de l’industrie musicale.
Ainsi, l’histoire raconte que Sony avança de nombreux arguments pour imposer un diamètre de 120 mm pour le CD. Parmi ceux-ci, le fait que le rideau d’un opéra ou d’un concert classique s’abaissait rarement avant la fin d’une représentation et que 120 mm permettrait de contenir la neuvième symphonie de Beethoven et 95 % des compositions classiques, grâce à une durée maximum possible de 75 minutes (74 min 33 sec).

74min 33sec : durée maximum ??
En effet, la durée maximale autorisée pour un Compact Disc par le Red Book est bien 74 min 33 sec. Pourtant, nombreux sont les disques dont la durée de lecture est supérieure. Afin d’augmenter cette durée, il est possible de modifier plusieurs paramètres lors de la réalisation du "Glass-master". Ainsi, il est possible de d’obtenir une diminution de la vitesse linéaire de lecture des données (jusqu’à 1,2 m/s) en diminuant la longueur des microcuvettes (puisque le débit binaire doit impérativement rester constant).
Il est également possible de jouer légèrement sur le pas de la spire et sur la longueur du rayon de départ de la lecture. Ces "artifices" permettant en théorie de porter la durée maximale à 79 min 18 sec (parfois plus) sont susceptibles de générer des erreurs de suivi de piste sur certains systèmes.
Il est important de noter que les disques ainsi réalisés peuvent ne pas répondre aux spécifications du Red Book.

En avril 1980 lors de la conférence sur le DAD (Digital Audio Disc) l’appellation "Compact Disc Digital audio system" (Système de disque compact audio-numérique) fut définitivement retenue.
Lors de cette conférence, plusieurs systèmes furent néanmoins proposés par différents constructeurs. En marge du disque à lecture optique de Sony et Philips, Telefunken présenta son système mécanique (TED), appelé "Mini Disc" et JVC son système électro-statique (AHD/VHD, Audio High Density/Video High Density).
Il y avait une différence majeure entre le système Compact Disc et les TED et AHD. En effet, pour le système Sony / Philips, une fine couche plastique lisse protégeait les données audio inscrites sur le disque, et le mode de lecture optique empêchait tout contact avec sa surface, alors que les systèmes JVC et Telefunken procédaient à une lecture directe par contact.
Néanmoins, la conférence DAD d’avril 1981 allait retenir le projet JVC et bien sûr, le système de disque audio-numérique de Philips et Sony.

Article (en anglais) sur les différents systèmes en lice, en novembre 1981

Un point essentiel était resté en suspend et en mai 1980, le mode de chaînage des données audio sur le disque : l’organisation cohérente des données, incluant les données pour la correction d’erreurs permettant un décodage efficace par les Servo-systèmes, restait à définir.
Philips avait proposé le M3, mais les récents travaux des ingénieurs de la marque avaient fini par donner naissance à la très performante modulation EFM (Eight to Fourteen Modulation = modulation de 8 à 14 bits), qui autorisait une densité des données sur le disque de 30% supérieure à celle du M3.
Cet accroissement de densité était d’autant plus intéressant qu’une augmentation du diamètre du disque de 115 à 120 mm ne permettait que 10 % de densité supplémentaire, et donc de temps de lecture.
Nul doute que sur ces bases, le diamètre de 115 mm choisi initialement par Philips pour le Compact Disc aurait pu être adopté ( !), puisque cette solution aurait permis de porter la durée de lecture à 97 minutes.
Cette éventualité d’allongement de la durée de lecture ne fut pas envisagée, car une telle durée aurait eut un impact sur le coût de production des lecteurs de CD et sur la complexité de leur mise en œuvre, et le choix fut préféré de porter l’écart entre les spires à 1,6 µm au lieu des 1.45 µm prévus initialement. De même, ce gain en densité allait permettre de porter la longueur des pits à 0,6 µm au lieu de 0,5 µm.
Dans un premier temps, Sony s’opposa au chaînage EFM arguant d’une trop grande complexité de mise en œuvre, mais se ravisa au vu du calendrier qui prévoyait une commercialisation du nouveau disque pour octobre 1982. La marque donna son accord pour L’EFM en juin 1980.
Cet accord permit à Philips de revendiquer la paternité de l’EFM et Sony celle du code de correction d’erreur CIRC (Reed-Solomon Error Correction Code ou plus exactement Cross-interleaved Reed-Solomon Coding).
Ce code de correction d’erreurs fut adopté en mai 1980, au détriment du code élaboré par Philips. La raison principale de ce choix était que le CIRC présentait des avantages non-négligeables, telle que l’interpolation des échantillons voisins pour le calcul approximatif d’un échantillon non lu en cas de surcharge du code de correction occasionné par un défaut important de lecture des données (salissure, choc...).
En contrepartie, le CIRC nécessitait l’utilisation d’une RAM de 16 Ko dont le prix avoisinait les 50$, ce qui allait augmenter de manière significative le prix de vente des lecteurs.

CIRC : le procédé de lecture optique par laser du système Compact Disc est, de par son principe, très sujet aux erreurs de lecture. Celles-ci peuvent être occasionnées par une rayure, un mauvais pressage (gravure microscopique délicate), ou par un mauvais asservissement (mauvais suivi de piste, défaut de focalisation, fluctuations du moteur disque).
Pour parer ces éventualités, les concepteurs ont mis au point un procédé permettant (dans certaines limites), une correction rigoureuse de ces erreurs.
Il s’agit du CIRC, ou Cross Interleave Reed Solomon Code, ou code d’entrelacement Reed Solomon.
Ce terme couvre deux principes distincts : la détection d’erreurs et la correction d’erreurs.
La détection d’erreurs est effectuée grâce à l’adjonction de Bits de parités au niveau de l’octet. Ces données supplémentaires permettent de vérifier la validité d’une trame (1 trame sur le disque comporte 34 octets et dure 136 µs) puis de localiser, quantifier et corriger une erreur.
Cependant, la correction d’erreurs ne peut opérer sur plus d’un octet par trame, soit une longueur d’environ 5 µm, mais une rayure se mesure bien évidemment dans une échelle millimétrique.
C’est ici qu’intervient la notion d’entrelacement, dont le rôle est de s’adapter aux deux échelles, millimétrique (taille de la rayure) et micrométrique (taille de correction maximum) :
Les données sont gravées sur le disque en suivant une séquence entrelacée. Deux "codes musicaux" consécutifs sont donc physiquement distants sur le disque. Une rayure affecte ainsi des codes adjacents sur le disque, mais "musicalement" distants.
Lors du désentrelacement effectué par le processeur en cours de lecture, cette série de codes erronés consécutifs "éclate" en une multitude de petits codes distants et isolés les uns des autres.
La rayure millimétrique de départ se trouve décomposée en une multitude d’erreurs d’échelle micrométrique qui peuvent ainsi être corrigées.
Le système Compact Disc comporte deux "CIRC" consécutifs :
➔ le premier est le SCRAMBLING. Il effectue l’entrelacement au sein d’une trame.
➔ le deuxième est l’INTERLEAVING. Il effectue un entrelacement sur plus de 50 trames.
L’ensemble permet une correction rigoureuse pouvant aller jusqu’à 2,5 mm de piste "abîmée".

Toutes les spécifications concernant le Compact Disc furent consignées dans un document officiel : Le RED BOOK.

Les spécifications du disque compact audio-numérique selon le RED BOOK
  • Temps de lecture maximum74 minutes et 33 secondes
  • RotationSens anti-horaire
  • Vitesse de défilement1,2 à 1,4 m/s (vitesse linéaire constante)
  • Pas de la spire1,6 µm +/- 0,1 µm
  • Diamètre du disque120 mm
  • Epaisseur1,2 mm +/- 0,1 mm
  • Diamètre du trou central15 mm + 0,1 mm
  • Zone d’enregistrement (rayon)de 22,9 mm + 0,1 mm à 59,5 mm
  • Zone programme (rayon)de 24,9 mm + 0,1 mm à 58,0 mm
  • Longueur minimum d’une microcuvettede 0,833 µm (1,2 m/s) à 0,972 µm (1,4 m/s)
  • Longueur maximum d’une microcuvettede 3,05 µm (1,2 m/s) à 3,56 µm (1,4 m/s)
  • Profondeur des microcuvettesenviron 0,11 µm
  • Largeur des microcuvettesenviron 0,5 µm
  • Longueur d’onde du Laser780 nm
  • Profondeur de champ+/-2 µm
  • Nombre de canaux2 canaux (4 possibles)
  • Quantification16 bit (linéaire) / 65535 niveaux
  • Fréquence d’échantillonnage44,1 kHz
  • Débit numérique du canal4,3218 Mbit/sec
  • Débit numérique des données2,0338 Mbit/sec
  • Correction d’erreursCross Interleave Reed-Solomon
  • Modulation des données / canalEight-to-Fourteen Modulation

La commercialisation des premiers disques et lecteurs était prévue dès octobre 1982, mais le respect de cette date allait s’avérer très aléatoire. Philips et Sony avaient travaillé dur pendant 1 an pour la mise au point d’un produit respectant leurs accords, mais la fabrication de certains composants retardait l’échéance :
le bloc optique, coeur du système nécessaire à la lecture des données du disque, n’était pas encore au point. Les éléments importants de cet ensemble optique étaient la diode laser produisant le rayon lumineux pour la lecture, la lentille projetant la lumière en provenance de cette diode sur la surface du disque, et l’équipement à double-axe (actuateurs) nécessaire au positionnement du faisceau laser sur cette surface. Cet ensemble requérait une incroyable précision, puisque le faisceau devait "lire" des pits d’environ 0,5 µm séparés radialement de 1,6 µm à raison de 2 milliards de bits par disque.

Bloc optique & diode laser
Bloc optique équipé d’un Laser à gaz Hélium / Néon, 1980
Prototype de bloc optique à Laser à semi-conducteur
Diode laser équipant une partie des premiers lecteurs CD

Aucun des éléments utilisés dans les lecteurs vidéodisque contemporains ne convenait à ce nouveau système. Le laser à gaz hélium / néon utilisé dans le vidéodisque mesurait 20 cm de longueur, et était totalement incompatible avec le disque de 120 mm, et la technologie laser à semi-conducteur était encore au stade expérimental.
Finalement, plusieurs concepteurs de diodes laser furent consultés, et le choix des ingénieurs se porta sur un laser de haute qualité fabriqué par Sharp qui était en mesure d’en assurer la production à grande échelle. Cette diode (LT022MC) produite dès 1981 allait équiper une grande partie des premiers lecteurs de Compact Disc jusqu’à certains lecteurs de deuxième génération, Sony notamment.
D’autres semi-conducteurs posaient problème :
Pour concevoir un étage de traitement de données numériques adapté au nouveau format, jusque-là effectué par pas moins de 500 circuits intégrés ( !), il était nécessaire de développer des LSI (Large-scale integration = circuit à haute intégration) absolument indispensables pour aboutir à un lecteur aux dimensions acceptables pour le consommateur final.
Rapidement, les 500 CI’s nécessaires au traitement des données furent ramenés à 3 petits circuits intégrés LSI (chipset CX7933 / 7934 / 7935 pour Sony, et SAA7000 / 7010 / 7020 pour Philips). A noter que d’autres chipsets furent développés par des fabricants tels que Yamaha, Technics et Hitachi sur la base des travaux de Sony et Philips (consulter la rubrique Technique du CD pour plus de détails au sujet de ces chipsets).
Le convertisseur Numérique / Analogique prit la forme d’un CI unique et son coût fut divisé par 30.
Par la suite, la première usine de production de Compact Disc CBS / Sony vit le jour (en avril 1982) au Japon, mais la date d’octobre de la même année pour le lancement officiel du CD restait difficilement envisageable.
En effet, subsistait encore la question du boîtier contenant le disque : plusieurs matériaux furent testés, et un nouveau fut retenu : le Polycarbonate, utilisé pour la fabrication des pare-chocs pour automobile.
Le tout premier disque compact audio-numérique fut pressé à l’usine Polygram de Hanovre le 17 août 1982, et la production en chaîne démarra à la mi-septembre, 15 jours avant la commercialisation. Au même moment, et bien que le système AHD de JVC fut retenu et vit le jour, la quasi-totalité des fabricants de matériels audio se rallièrent au système Compact Disc.
Philips qui avait accumulé du retard, avait demandé à Sony de repousser l’introduction sur le marché. Sony rejeta ce nouveau délai, mais donna son accord pour un lancement en deux temps. Sony lancerait son lecteur et ses disques sur le marché japonais dans lequel Philips n’avait aucune part de marché, et six mois plus tard, en mars 1983, aurait lieu le lancement mondial par Sony et Philips. Ce nouveau délai allait permettre à Philips de continuer la mise au point de ses lecteurs, bien que certains des premiers exemplaires (CD200, CD300) furent équipés de processeurs Sony pour la correction d’erreurs (cartes SO-PHI Sony / Philips).
Ainsi, le 31 août 1982, des annonces furent faites de l’arrivée imminente du nouveau système CD au Japon, développé conjointement par les 4 grandes firmes Sony, CBS / Sony, Philips et Polygram.
Le Sony CDP-101 fut commercialisé le 1er octobre 1982, accompagné des 50 premiers titres de Compact Disc, le tout premier étant "52nd street" de Billy Joel, et une centaine de titres allaient être disponibles pour la fin de l’année 1982.
En France, le Philips CD100 fut introduit au prix de 5 500 F, et le Sony CDP-101 à 7 500 F. 30 000 lecteurs auraient été vendus sur le territoire pendant l’année 1983.
Cela faisait environ 100 ans qu’Edison avait inventé le phonographe, et les technologies d’enregistrement avaient évolué à peu près tous les 25 ans par la suite. D’abord, le procédé à cylindre avait été remplacé par le disque ; ensuite, l’enregistrement électrique et le disque LP avaient vu le jour, et peu de temps après, la stéréophonie avait supplanté la monophonie.
Voici plus de 35 ans que se sont déroulées toutes ces étapes ayant mené au succès actuel et mérité du Compact Disc et une fois de plus, une page est lentement en train de se tourner avec la disparition probable, à moyen terme, des systèmes à lecture optique par laser.

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